Les fondements théoriques de la pédagogie entrepreneuriale (2/2)

6 mars 2018

Extrait du projet de fin d’ études de Melissa Claudie Philippe

Pour faire suite à la première publication sur les fondements théoriques de la pédagogie entrepreneuriale (1/2), nous nous proposons cette fois d’explorer l’ancrage théorique de l’approche responsabilisante et de l’approche expérientielle. Pour rappel, la pédagogie entrepreneuriale (PE) sans nécessairement viser l’enseignement d’une connaissance explicite en entrepreneuriat favorise le développement de l’esprit d’entreprendre et des compétences transversales auprès des apprenants. Dans la première publication, nous avons abordé 2 piliers incontournables pour la mise en oeuvre de la PE: l’approche coopérative et l’approche réflexive. Nous nous proposons de terminer cette analyse en abordant les liens existants entre, d’une part, des théories de l’apprentissage reconnues et, d’autre part, les approches responsabilisantes et expérientielles de la PE.  

Pour mettre en œuvre la PE dans les classes, Kearney et Surlemont (2009, p.43) proposent une réflexion opérationnelle. La séquence pédagogique doit être expérientielle, responsabilisante, coopérative et réflexive. Les quatre grandes théories de l’apprentissage ‒ cognitivisme, béhaviorisme, constructivisme et socioconstructivisme ‒ offrent un cadre général de référence pertinent pour analyser les fondements théoriques de la PE. Comment ces théories soutiennent-elles la PE?

Ancrage théorique de l’approche expérientielle

  • Le behaviorisme supporte la PE parce que selon cette perspective l’apprentissage est suscité par des expériences concrètes. En effet, du point de vue de l’enseignement, le béhaviorisme perçoit l’apprentissage comme une modification durable du comportement, grâce à une série d’entraînements qui s’effectuent par paliers successifs. Cette théorie considère l’acte d’enseigner comme l’entraînement de l’apprenant à produire des comportements, des attitudes, des réactions et des gestes professionnels. Le plus important, selon cette perspective de l’apprentissage, est de créer des activités qui visent à faire pratiquer l’apprenant, à travers l’expérience concrète, de sorte qu’il développe des automatismes. Pour expliquer l’importance de l’expérience dans la PE, Kearney et Surlemont (1999, p. 117), cités dans le Guide de pédagogie entrepreneuriale, publié par l’Agence de stimulation économique (ASE), affirment que :

Les individus se sentent plus confiants et compétents dans des situations qu’ils connaissent. Pour transférer leurs compétences à d’autres contextes, ils doivent les pratiquer dans un très grand nombre de situations. Cela les rend non seulement plus confiants et compétents, mais également leur permet de gérer de nouvelles situations.

  • L’acquisition des compétences et la démonstration d’attitudes entrepreneuriales, telles que visée par la PE se fait donc par « l’expérience » (exercice et entraînement) dont s’approprient les auteurs béhavioristes eux-mêmes.   
  • Selon Jonnaert (2009, p. 66) : « Pour les constructivistes, les connaissances sont construites par le sujet lui-même à travers les expériences qu’il vit dans son environnement, au départ de ce qu’il y a déjà vécu et à travers les interactions avec les autres. » Cette citation résume bien le rapport existant entre le caractère expérientiel de la PE et le constructivisme. Cependant, tel que le suggèrent les tenants de la PE, cette expérience doit être à la fois authentique et signifiante pour l’apprenant.
  • Suivant l’Académie de Paris:

Lave (1988), Brown, Collins et Duguid (1989) soutiennent que l’acte d’apprendre est une interprétation d’une expérience, d’un langage ou d’un phénomène saisi dans leur contexte. Les tenants de l’apprentissage contextuel (situated learning) préconisent le recours, en situation d’apprentissage, à des tâches authentiques dans des contextes les plus réalistes possible.

  • Les auteurs cités admettent donc cette thèse constructiviste que la connaissance que l’apprenant peut construire passe nécessairement par l’expérience. Ceci conforte l’approche expérientielle que prône la PE et lui offre un cadre de référence intéressant, du point de vue des repères théoriques de l’apprentissage.
  • S’il arrive que l’apprentissage expérientiel soit conduit dans un contexte collectif ‒ lisons-nous dans un document rédigé conjointement par le Centre de développement d’entreprise et le Cégep de Trois-Rivières ‒  néanmoins, l’apprenant construit son apprentissage sur sa propre expérience et non sur celle de ses coéquipiers (p.29). Bien que cette vision de l’apprentissage expérientiel soit incomplète, le conflit sociocognitif engendré par la coopération possède un potentiel cognitif non négligeable (Piaget, 1946, cité dans Rouiller et Lehraus, 2008, p.2). Nous pouvons donc établir un lien cohérent entre l’approche expérientielle et le socioconstructivisme.

Ancrage théorique de l’approche responsabilisante

  • Le béhaviorisme supporte également la PE parce que les outils et les techniques utilisés peuvent permettre de responsabiliser l’apprenant, en lui donnant un contrôle sur son processus d’apprentissage. Le béhaviorisme a inspiré l’introduction de la machine numérique dans le processus d’enseignement et d’apprentissage. De nos jours, les enseignants sont enclins à utiliser la technologie éducative, incluant des exercices, des quizz, des jeux éducatifs, des simulations et des environnements numériques d’apprentissage pour supporter le processus d’enseignement-apprentissage. Or, dans une perspective béhavioriste, ces outils responsabilisent l’apprenant de diverses manières en lui donnant le rôle principal dans son apprentissage, c’est-à-dire:
    • le devoir d’aller vers le contenu d’apprentissage,
    • la capacité d’évaluer son niveau d’acquisition des notions enseignées et
    • la possibilité de suivre sa progression.

C’est une façon de le responsabiliser, comme l’encourage la PE.

  • Responsabiliser l’apprenant tout au long de son processus d’apprentissage, comme le prône la PE, est en adéquation avec le point de vue constructiviste de la connaissance. Selon la perspective constructiviste des connaissances, l’enseignant place l’apprenant au cœur de l’apprentissage et le met en situation de construire des connaissances. Le postulat initial de la position constructiviste du savoir est que c’est l’apprenant qui construit son propre apprentissage. Il en devient responsable. Responsabiliser l’apprenant consiste à le faire émerger en tant qu’auteur de ses apprentissages et de lui transférer de manière explicite l’autodirection, (Hiemstra, 2000, cité dans Jézégou, 2005). Nous comprenons ainsi que responsabiliser un apprenant, comme le prône la PE, s’intègre dans une perspective constructiviste de l’apprentissage, car la construction de l’apprentissage se fait grâce à cette responsabilité qui lui est transmise.

Conclusion

La PE a été analysée à la lumière des quatre grandes théories psychologiques de l’apprentissage, à savoir le béhaviorisme, le cognitivisme, le constructivisme et le socioconstructivisme. L’exercice étant de comprendre les principes d’apprentissage mis en évidence par ces théories et leur application dans le contexte de la PE. En résumé, l’analyse a permis de constater que la PE s’inscrit à l’intérieur des grandes théories de la connaissance retenues :

  • L’approche réflexive se fonde aussi bien dans une perspective cognitive, constructiviste ou socioconstructiviste
  • L’approche expérientielle est invoquée dans la vision béhavioriste, constructiviste et socioconstructiviste de l’apprentissage
  • L’approche coopérative cadre avec la perspective socioconstructiviste
  • L’approche responsabilisante de l’apprenant s’inscrit dans la visée béhavioriste, constructiviste et socioconstructiviste.

Le constructivisme et le socioconstructivisme sont les références théoriques qui permettent de mieux cadrer les approches pédagogiques d’un enseignant désireux d’implanter la PE.

Références utiles

 

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