Quel avenir pour l’entrepreneuriat éducatif au collégial?

17 mars 2019

Par Raymond-Robert Tremblay, coordonnateur du Projet d’éducation entrepreneuriale au collège, PEEC


Dans cette dernière chronique pour le Portail du réseau collégial, j’aimerais évoquer à grands traits ce qui se dessine pour l’entrepreneuriat éducatif dans les cégeps et au-delà. Lors de son entrevue avec le PEEC, Paul-Arthur Fortin évoquait l’âge d’or de l’entrepreneuriat dans les collèges, entre 1988 et 1993 : le concours Devenez entrepreneur avait été pris en charge par le réseau collégial, plusieurs y étaient impliqués et les personnes engagées dans les collèges avaient le soutien de leurs directions. Le mouvement, soutenu par le ministère de l’Éducation, prenait de l’envergure. Puis, c’est la rupture : fin du financement, les priorités ont changé; il faut maintenant développer les programmes d’études par compétences et, à l’époque, on ne voit pas trop comment intégrer des compétences entrepreneuriales dans ces programmes. Hors compétence, point de salut!

5 à 7 animé à La Zone entrepreneuriale de Trois-Rivières.
Photos : Audélie Arel

De cette époque, resteront l’Association des clubs entrepreneurs étudiants, ACEE, quelques professeurs et animateurs entrepreneuriaux ici ou là qui, sur une base volontaire, feront vivre ces clubs et carbureront à la passion d’entreprendre avec les jeunes, souvent sans grand soutien de leurs collègues et directions. Par exemple, notre collègue d’Amos, Louis Gosselin, ou encore celui de Saint-Jérôme, Pierre Savard. Ces derniers accumuleront les réalisations et les prix internationaux, mais avec un rayonnement essentiellement local et, comme ils le disent eux-mêmes, en tenant leurs projets pour les jeunes «à bout de bras»!

Quelque chose s’est passée il y a cinq ou six ans : mondialisation oblige, 2, 3, puis 4 directions générales de collèges comprennent que l’isolement de leurs initiatives entrepreneuriales éducatives est contre-productif, mais leurs démarches auprès d’entreprises ou de ministères font chou blanc : l’entrepreneuriat éducatif collégial n’entre dans aucune case! Du point de vue des organismes économiques et financiers, ce n’est pas vraiment de l’entrepreneuriat et ça ne crée pas d’emploi, mais du point de vue des organismes éducatifs, et bien, c’est trop entrepreneurial puis… est-ce vraiment éducatif?!

Carine Perron, du cégep régional Lanaudière à l’Assomption, et Melissa Philippe, chargée de projet au PEEC, attentives lors de la mission entrepreneuriale de Trois-Rivières, en février 2019

Nous avons alors compris qu’en nous regroupant et en construisant une organisation avec nos propres ressources, nous ferions la preuve de la pertinence et de l’impact de l’entrepreneuriat éducatif au collégial. C’est ainsi qu’est né le Projet d’éducation entrepreneuriale au collège, le PEEC, comme une initiative pour regrouper les forces, réseauter les intervenants et identifier les meilleures pratiques afin de les propager. Dans la foulée, nous convainquions, en 2017, le ministère de l’Enseignement supérieur avec madame la Ministre Hélène David, d’y investir pour 12 collèges.

Nous sommes maintenant la moitié du réseau collégial au sein du PEEC, un regroupement en croissance rapide, grâce au soutien des directions générales, de nombreux cadres, enseignants, professionnels et personnel technique des collèges, sans compter l’enthousiasme contagieux des jeunes et des adultes de la formation continue désireux de développer leurs compétences et de concrétiser leurs attitudes entrepreneuriales par des réalisations concrètes. Bref, le mouvement est de retour, fragile encore, mais bien vivant.

Un étudiant adulte inscrit dans une AEC en entrepreneuriat présente son projet afin de bénéficier du regard critique des intervenants des collèges réunis à Trois-Rivières le 19 février 2019

Afin de prospérer, le mouvement entrepreneurial éducatif a besoin de l’appui de tous les intervenants et des gouvernements, du partenariat d’entreprises et d’organismes de la communauté, de même que de l’intérêt des médias. Il faut dépasser le spectacle des Dragons et valoriser l’esprit d’initiative, la responsabilisation, l’innovation et la solidarité! Ce sont nos valeurs au PEEC, mais aussi dans le réseau collégial. Il suffit de constater que la plupart des projets prennent un caractère collectif, favorisent l’entrepreneuriat social ou encore le développement durable.  Sans exclure l’initiative privée, source d’innovation et d’engagement personnel, l’entrepreneuriat éducatif au collégial prend la voie de l’implication afin de résoudre des problèmes de la communauté : pour un environnement plus sain, des relations commerciales plus équitables, des relations humaines plus collaboratives. Même parmi ceux et celles qui se lancent dans l’entreprise privée, plusieurs seront soucieux des retombées sociales de leurs initiatives. Les gens qui fréquentent des cégépiens et des cégépiennes ne seront pas surpris! C’est l’esprit qui se diffuse dans les collèges!

Atelier le 19 février 2019, où l’on aperçoit Philippe Petit, du cégep de Sorel-Tracy, et Carlos Castaño, du cégep du Vieux Montréal 

Les qualités que l’entrepreneuriat éducatif au collégial développe sont les qualités requises dans la société du 21e siècle, comme le soulignait à juste titre, le président du PEEC, Richard Filion — aussi directeur général du collège Dawson — dans une excellente allocution livrée le 9 novembre dernier à Drummondville. L’entrepreneuriat éducatif implique une ouverture sur le monde, le développement de la créativité et de la pensée critique, la capacité de travailler en équipe dans des environnements technologiques riches et complexes, la résolution de problèmes. D’ailleurs, une étude récente commandée par la Banque Royale fait un portrait alarmant de la situation de l’emploi et de la formation : «Un trop grand nombre de jeunes ont été formés pour des emplois qui sont voués à disparaître alors qu’ils auraient pu développer des aptitudes qui leur auraient été bien plus utiles.» (p.2), en parlant justement de ces fameuses compétences génériques requises pour s’adapter à un monde en changement accéléré. Parlant des fameuses aptitudes fondamentales qui seront requises, on note : «. Les compétences comme la sensibilité aux autres cultures, la langue et l’adaptabilité, ou «savoir-être», seront recherchées.» (p.3) Ce sont toutes des compétences que l’approche éducative entrepreneuriale permet de développer!

Atelier de répondants entrepreneuriaux en plein travail, dans l’ordre habituel: Pascal Marcotte, cégep de Sherbrooke, Marielle Esclapez, cégep de RImouski et Nadine Lemay, du cégep Lévis-Lauzon

C’est également l’approche qu’il faut adopter pour favoriser le développement social et professionnel des femmes. Sur ce point, je cède la parole à Nadine Pirotte qui écrivait suite à son intervention à l’Événement éducation / entrepreneuriat, E3, 2eédition, à Drummondville :

Pourrait-on rêver et introduire un module entrepreneurial dans tous les programmes ? On toucherait alors toutes les filles. Hier, deux de mes anciens collègues m’ont dit : « Ça ne se fera pas. L’entrepreneuriat ne sera jamais considéré comme une compétence transversale. » Pourtant, je crois fermement qu’il faut tendre vers ça, que l’esprit d’entreprise devienne une compétence transdisciplinaire. Nous pouvons être entrepreneurs en étant philosophes de formation, artistes, formés en sciences humaines. (N.Pirotte, 2018)

J’ajouterais que l’entrepreneuriat éducatif – et la pédagogie entrepreneuriale à sa suite – ne concerne pas une compétence, mais une série de compétences complémentaires qui soutiennent l’adaptabilité sociale, l’intrapreneuriat, l’implication communautaire, la créativité, tout autant que l’esprit d’entreprise au sens strict. L’entrepreneuriat éducatif développe l’esprit d’entreprendre. Ces considérations relèvent non seulement de l’avenir de l’entrepreneuriat éducatif, mais plus largement de l’avenir de l’éducation collégiale comme telle!


Références

L’entrevue de Paul-Arthur Fortin en abrégé de 12 minutes, 2019, Le message entrepreneurial de Paul-Arthur Fortin,https://www.youtube.com/watch?v=GVTZF8Ux9VQ 

L’Association des clubs entrepreneurs étudiants, ACEE, 2019,http://acee.qc.ca/ 

Concernant Louis Gosselin, 2017, Une histoire entrepreneuriale: le Club Sans-Limite d’Amos,https://www.peeceducation.org/une-histoire-entrepreneuriale-le-club-sans-limite-damos/

Concernant Pierre Savard, notamment, 2018, JETAD : à la découverte des «startups» françaises,https://www.cstj.qc.ca/2018/02/08/jetad-a-la-decouverte-des-startups-francaises/

Raymond-Robert Tremblay, 2017, Le lancement officiel du PEEC, d’une allocution à l’autre,https://www.peeceducation.org/le-lancement-officiel-du-peec-dune-allocution-a-lautre/

Richard Filion, L’avenir de l’éducation entrepreneuriale au collégial,https://www.peeceducation.org/lavenir-de-leducation-entrepreneuriale-au-collegial/

RBC, 2018, Humains recherchés,https://www.rbc.com/dms/enterprise/futurelaunch/_assets-custom/pdf/RBC13C-Future-Skills-Report-Print-CMYK_Versacom__FR.pdf

Nadine Pirotte, 2018, Les efforts à consentir pour stimuler l’entrepreneuriat féminin dans les collèges,https://www.peeceducation.org/les-efforts-a-consentir-pour-stimuler-lentrepreneuriat-feminin-dans-les-colleges/

 

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Notre Mission

Le PEEC outille les intervenants entrepreneuriaux des collèges afin d’intervenir dans tous les aspects de l’entrepreneuriat éducatif en enseignement supérieur. Ainsi, il favorise la persévérance et la réussite scolaire, de même que l’implication des apprentis entrepreneurs dans leur communauté. En complémentarité avec les autres organismes
œuvrant en entrepreneuriat, il stimule l’entrepreneuriat étudiant à travers ses trois
axes:

  1. La sensibilisation
  2. L’engagement
  3. La réalisation.

Le PEEC encourage l’apprentissage dans l’action et l’entrepreneuriat responsable et social.

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