Quel type d’entrepreneur souhaitons-nous former?

17 décembre 2019

Vous est-il déjà arrivé de quitter une salle de conférence complètement démotivé?… Alors que tout autour de vous on s’exclame: « Quel charisme! Quel parcours! Quel entrepreneur! » Je ressens encore une pointe d’amertume quand je pense à ce déjeuner d’affaires auquel j’ai assisté il y a quelques mois. En écoutant l’invité raconter la croissance fulgurante de sa jeune entreprise, je me suis soudainement sentie très mal à l’aise. Tout était trop beau, trop facile, trop parfait… comme si les difficultés et les faux-pas avaient été gommés. Dans l’histoire, tout était survenu à point nommé : le financement, les partenaires; le fabricant, les points de vente; le succès, les éloges. 

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Je suis rentrée à la maison avec un vague à l’âme inexplicable. Puis, cette question m’a taraudé l’esprit durant plusieurs semaines : Suis-je la seule à en avoir marre des récits d’affaires plus que parfaits ? Quand déciderons-nous de valoriser autre chose que la performance, la réussite et le profit en entrepreneuriat? Car s’il est vrai que plusieurs entrepreneurs témoignent volontiers de leurs échecs a posteriori, rares sont ceux qui osent en parler lorsqu’ils se présentent… et se vivent.

Heureusement, nous sommes nombreux à vouloir que les choses changent. Et pour cause! Si l’entrepreneuriat est une voie royale pour donner un sens à sa vie, c’est d’abord et avant tout parce qu’il nous met face à nos limites et qu’il nous donne, à chaque revers, l’occasion de changer… si nous sommes conscient de cette possibilité bien entendu. 

Mettre fin au mythe du héros solitaire

Dans L’intelligence émotionnelle au travail (2002), Daniel Goleman et ses collègues affirment que « la conscience de soi est la fondation sur laquelle reposera tout le reste et que si nous ne savons pas reconnaître nos propres émotions, nous les gérerons médiocrement et serons moins capables de les comprendre chez les autres. Plus on grimpe dans une hiérarchie, plus l’importance de l’intelligence émotionnelle et relationnelle s’accroît ». Or, faut-il le rappeler, l’entrepreneur se retrouve, plus souvent qu’autrement, au sommet de la pyramide et il est constamment confronté au mythe du héros solitaire.

Cela n’est pas sans conséquence, comme en témoigne un dossier spécial consacré à la santé mentale des entrepreneurs dans le journal La Presse (novembre 2019). L’article « La face cachée de l’entrepreneuriat » nous apprend que « selon un sondage mené pour le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec auprès de 300 entrepreneurs, 71,5 % des répondants étaient en “détresse psychologique élevée”». Comme si ce n’était pas suffisant, un deuxième sondage mené par l’Association canadienne pour la santé mentale révèle que « parmi les 500 entrepreneurs qui ont répondu, 28 % ont indiqué qu’ils avaient reçu un diagnostic de troubles de l’humeur ou de troubles anxieux au cours des 12 derniers mois […] ». Ce chiffre est bien au-delà du 20 % observé dans la population générale. 

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L’idée n’est pas d’être alarmiste, mais bien réaliste. Il faut apprendre à valoriser l’humain dans sa globalité, surtout lorsqu’on forme de jeunes entrepreneurs ou qu’on accompagne des étudiants dans leurs projets entrepreneuriaux. Il devient alors essentiel de leur expliquer à quel point l’intelligence émotionnelle est la pierre angulaire pour quiconque souhaite développer un leadership authentique.

Pour y parvenir, il faut redéfinir notre manière d’accompagner les jeunes entrepreneurs, y compris les étudiants qui souhaitent développer un projet. C’est d’ailleurs ce que propose Christophe Schmitt dans La fabrique de l’entrepreneuriat, un essai où s’affirme « la nécessité de changer de regard sur l’entrepreneuriat ». En effet, pour Schmitt, le soutien offert aux porteurs de projet est crucial et devrait débuter bien avant la création de l’entreprise, dès que l’idée émerge.

Lorsque l’on parle de la phase en amont, il s’agit avant tout d’amener les personnes à être entreprenantes avant d’être des entrepreneurs. […] Ainsi faut-il favoriser le droit à l’erreur et avancer sur le mode essai-erreur.

Christophe Schmitt, La fabrique de l’entrepreneuriat, p. 18.

Schmitt insiste sur l’importance de s’affranchir du mythe de l’entrepreneur héros et de reconnaître l’importance des « seconds rôles » : partenaires, mentors, enseignants. C’est grâce à eux que se construit « l’écosystème favorable de l’entrepreneur » et que celui-ci gagne la confiance et l’estime de soi dont il aura besoin pour persévérer lors des étapes le menant à la concrétisation de son projet. (p. 21)

Derrière l’idée d’entrepreneur, une dimension importante surgit : la capacité de l’individu à prendre en main son destin. 

Christophe Schmitt, La fabrique de l’entrepreneuriat, p. 149.

La capacité à s’entreprendre!

Comment pouvons-nous concrètement aider les étudiants à devenir plus entreprenants et à développer leur conscience de soi? La réponse est simple : en y consacrant du temps en classe! La pratique réflexive s’acquiert, comme toutes les autres compétences, par l’exercice répété lequel exige de temps et de la discipline. Nous sommes d’avis qu’il est important d’offrir cet espace de réflexion au sein même de la classe.

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Pourquoi ne pas demander à vos étudiants de tenir un journal de bord? À chaque cours, vous pourriez leur laisser du temps pour consigner leurs réflexions à partir de questions ouvertes, comme celles-ci :

  • Qu’est-ce qui te fait vibrer dans le projet que tu souhaites entreprendre?
  • Quelles sont tes plus grandes qualités pour réaliser ton projet?
  • Quand tu collabores avec des collègues (coéquipiers), quelles sont les qualités que tu recherches?
  • Quand tu rencontres une difficulté, qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi? La peur d’échouer? La gestion du stress? Le sentiment de solitude?
  • Vers qui te tournes-tu lorsque tu as besoin de soutien? Comment exprimes-tu ce besoin? 
  • De quelle manière manière veux-tu contribuer à la communauté?
  • … Laisser aller votre créativité!

L’idée de cet exercice est de montrer aux étudiants toute la valeur que nous accordons à la connaissance de soi et à la pratique réflexive. Comme en toutes choses, le plus important est de prêcher par l’exemple, alors il ne faut pas hésiter à nous remettre en question ni à admettre nos erreurs. Nous sommes humains après tout! 

Éduquer à l’esprit d’entreprendre, c’est permettre les écarts, les écueils et les échecs. C’est valoriser l’audace, le travail, la persévérance et la collaboration. Pour former les entrepreneurs de l’avenir, il faut incarner, dès maintenant, le changement que nous souhaitons voir advenir.

Références

Dubé, Isabelle. « La face cachée de l’entrepreneuriat: audacieux, visionnaires et… tourmentés », La Presse, 18 novembre 2019.
Goleman, Daniel, Boyatzis, Richard et Mckee, Annie. L’intelligence émotionnelle au travail, Édition Village mondial, 2002.
Schmitt, Christophe. La fabrique de l’entrepreneuriat, Dunod, 2017.

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