Il faut oser la réussite, vraiment !

30 novembre 2019

Sur le thème « Osez la réussite », le 12e congrès de la Fédération des cégeps a eu lieu à la fin du mois d’octobre 2019 à St-Hyacinthe. Alors que les taux de diplomation atteignent à peine les 61%, il y a tout lieu de s’interroger et de chercher des pistes de solution;  tout ceci dans un contexte de pénurie de main d’oeuvre. Je ressors de ce congrès avec une impression partagée entre la frilosité et l’audace. Les présentations et les ateliers étaient certes de qualité, de même que l’organisation impeccable et la participation nombreuse.  On y rencontrait en particulier un grand nombre de décideurs, donc des gens en mesure d’influencer l’avenir.

Soulignons la qualité de la conférence d’ouverture de Sylvain Toutant qui nous appelle à la prise de risque, à l’accélération du changement pour s’adapter au monde qui vient. Le gestionnaire d’entreprises de haut calibre, aux succès nombreux, nous incite à tenir compte des réalités de notre siècle et des attentes de la jeune génération: le bonheur au travail, par exemple, le besoin d’innover, de se sentir autonome, d’exercer sa pensée critique, de travailler en équipe, de s’identifier à un projet digne d’un engagement intense. 

Il  relève l’importance du leadership et du travail d’équipe efficace.  Une petite société comme le Québec a de nombreux défis à relever dans le contexte de la domination de plus en plus importante des GAFAM. Le conférencier énumère de nombreuses valeurs susceptibles de nous guider: le service des autres, la communication, l’esprit de décision, le courage et même l’empathie, la vulnérabilité et la générosité sont autant de composantes essentielles de la réussite.  Il nous demande de célébrer également le rôle de l’échec comme stimulant de l’apprentissage: une vision bien différente de celle qui est véhiculée par le monde scolaire traditionnel! En particulier, il présente le modèle 70-20-10 comme porteur d’avenir. Il s’agit d’un modèle développé dans le contexte de l’offre de formation aux travailleurs tout au long de la vie qui énonce un principe dont l’école pourrait s’inspirer aussi :  70 % de nos apprentissages sont réalisés dans la pratique et l’expérience, 20 % de nos apprentissage sont réalisées lors d’interactions avec nos pairs, dans la communication interpersonnelle et professionnelle, et seulement 10 % de nos apprentissages proviennent de l’enseignement traditionnel. N’est-ce pas un appel à changer nos modèles pédagogiques et le contexte même de cet enseignement collégial: la façon dont les programmes sont pensés, les cours, les relations avec les enseignants et avec les élèves?  Mais cet appel à l’audace a-t-il été entendu? Osons espérer.

À travers les nombreux ateliers, les  panels et les présentations sous le mode Pecha Kusha (20 diapositives en 20 minutes chrono), la matière était riche.  Plusieurs ateliers étaient remarquables et parmi ceux-ci j’aimerais mentionner la présence du PEEC avec OSEntreprendre lors d’un atelier portant sur l’éducation à l’esprit d’entreprendre.

Melissa Claudie Philippe s’est associée à Manon Théberge pour aborder ce sujet. Pour plusieurs participants à l’atelier, il s’agissait d’un 1er contact et d’une approche inédite. Pour illustrer son propos, madame Philippe nous raconte l’histoire d’une de ses amies qui était une reine de danse et de beauté et qui croyait avoir trouvé sa voie. Malheureusement, l’école et son milieu familial l’ont découragée: elle éprouve aujourd’hui de grands regrets de n’avoir pas écouté sa voix intérieure. Des témoignages de certains étudiants recueillis par notre collaboratrice vont dans le même sens. Ainsi, des étudiants qui se distinguent par leur dynamisme entrepreneurial, comme Maverick Fleury et Sarah-Jeanne Bouchard, ont malheureusement abandonné ou envisagent d’abandonner leurs études collégiales pour se consacrer à leur passion, car ils n’ont pas perçu de lien entre leurs apprentissages « théoriques » et la réalité à laquelle ils sont confrontés.  On peut certes le déplorer et penser qu’ils font là un mauvais choix, encore faut-il faire la preuve de la pertinence des apprentissages qui leur sont proposés. Il faut comprendre cette situation comme un appel au renouvellement dans les collèges.

On entend souvent que plusieurs élèves du collégial cherchent encore leur voie et se montrent peu motivés. La pédagogie entrepreneuriale, en développant l’esprit d’entreprendre autant que l’esprit d’entreprise, est une approche qui permet le développement de valeurs, d’attitudes et de compétences. Plus encore, elle donne un sens à l’apprentissage puisque le jeune choisit lui-même le projet qu’il va développer à travers une expérience interactive avec son groupe de référence. Ce qu’il va apprendre sera inscrit dans sa mémoire pour la vie. Les principes de la pédagogie entrepreneuriale reposent sur la responsabilisation, le caractère expérientiel, la réflexivité et l’approche coopérative. Cette pédagogie correspond à plusieurs approches innovatrices aujourd’hui pratiquées dans les collèges comme la classe inversée et la ludification. L’approche entrepreneuriale encourage les jeunes à s’engager dans leurs études et à trouver un sens à leurs démarches. Ces derniers construisent ainsi la personnalité de l’entrepreneur ou de l’intrapreneur, ou simplement de l’employé proactif qui apprend à croire en lui-même et avoir espoir dans l’avenir.

Suivant une approche différente, OSEntreprendre définit les 4 leviers d’intervention de l’éducation à l’esprit d’entreprendre, soit : la sensibilisation, l’expérimentation, le rayonnement et l’affirmation. À travers divers programmes comme la Semaine des entrepreneurs à l’école, cette organisation rejoint énormément d’écoles primaires et secondaires, mais aussi, plus récemment, quelques collèges. Elle contribue au développement de la culture entrepreneuriale, laquelle devrait favoriser la persévérance et la réussite scolaire. OSEntreprendre est également très connu pour son Défi OSEntreprendre, un grand concours qui mobilise plus de 340 responsables locaux, 17 répondants régionaux et des milliers de jeunes entreprenants appelés à se dépasser, partout au Québec. Le Défi se termine par une grande soirée de gala où on met en valeur les réalisations des vainqueurs. Le cadre de référence du développement entrepreneurial s’appuie sur une longue expérience et peut servir de référence pour plusieurs interventions. Toutefois, à mon avis, ce modèle ne couvre pas toutes les activités entrepreneuriales menées dans les collèges. Cela s’explique par le fait qu’il a surtout été développé au contact des intervenants du monde économique et scolaire du primaire ou du secondaire.

Lors du congrès de la Fédération des cégeps, on a pu constater que le modèle des cégeps reçoit encore un fort soutien non seulement parmi la population, mais aussi chez des intellectuels d’influence comme Guy Rocher et Françoise David. Dans ce contexte, on évoque fréquemment les 50 ans des cégeps, l’originalité du modèle qui s’est développé ici, ou encore les principes essentiels qui sont issus du rapport Parent. Il y a certes plusieurs éléments importants à conserver dans le modèle collégial. Cependant, j’estime qu’il y a aussi une part de nostalgie dans cette conception. Les défis qui se présentent à nous sont si importants qu’il faudra se poser éventuellement en rupture avec certains éléments du présent modèle afin qu’il puisse évoluer en fonction des défis du siècle.

J’en donne pour exemple l’étude approfondie pilotée par Marie-France Bélanger, Carole Lavoie, et Nathalie Vallée.  La présentation de cette étude est disponible sur le site du Congrès de la Fédération des cégeps, je vous invite à vous y référer. On y observe une complexification des attentes des jeunes, des préoccupations nouvelles envers la formation continue et surtout des attentes qui ont beaucoup évolué parmi les jeunes générations, sans compter une plus grande diversité étudiante.  En lien avec tous ces facteurs, on cependant des difficultés à expliquer la stagnation des taux de diplomation dans les programmes collégiaux, soit 61,5 %. On peine aussi à comprendre l’écart considérable entre le taux de réussite des filles (66 %) et celui des garçons (moins de 55 %). Pourtant, dans les 20 dernières années, on a investi énormément de travail au sein de plans d’aide à la réussite, qui en sont à leur 4e ou 5e génération aujourd’hui.  Cette aide a peut-être permis à certains élèves de réussir là où ils ne l’auraient pas pu, mais son effet global semble insuffisant, puisque le taux de succès traduit par l’obtention du diplôme a décliné.

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Comme les chercheures le notent, la plupart de ces interventions d’aide à la réussite ont été faites en parallèle des programmes d’études et généralement en dehors de la classe. Je crois qu’il ne faut pas répéter cette erreur.  À mon avis, pour améliorer durablement la réussite, il faudra revoir la pédagogie et la conception même des programmes d’études. Je suis d’accord avec elles qu’il faudra intervenir sur les facteurs documentés qui reposent sur des données probantes et, en particulier, il conviendra d’amener les enseignants à adopter les meilleures pratiques, autant dans les domaines de la relation professeur-étudiant, des méthodes pédagogiques, de la structuration de l’enseignement ou de l’évaluation des apprentissages. Cette étude appelle à relancer les stratégies institutionnelles, en combinaison avec une approche systémique, à faire preuve de leadership et à valoriser les pratiques reconnues par la recherche.

Je suis d’accord, mais j’ajouterais que la pédagogie entrepreneuriale, le développement des compétences entrepreneuriales, de même que l’autonomie, la responsabilisation qui en sont les caractéristiques, sont des pistes pertinentes pour revoir nos approches. C’est d’autant plus vrai pour certaines catégories d’étudiants au profil d’apprentissage axé sur l’action, l’expérience et la communication interpersonnelle qui se sentent délaissés. Saurons-nous véritablement faire preuve du leadership auquel monsieur Toutant nous appele en pilotant un changement important du modèle curriculaire et de la pédagogie des cégeps ? Comme les chercheures le demandent dans leur conclusion : « Et alors : OSERONS-NOUS … Poser ce regard critique, lucide et courageux et envisager des actions audacieuses ? » Saurons-nous vraiment oser la réussite avec les approches d’apprentissage actif dont l’approche de pédagogie entrepreneuriale? Une occasion de renouvellement nous est donnée et nous devons remercier la Fédération des cégeps d’avoir eu le courage de poser ces questions et de chercher les réponses. D’ailleurs la présidente du congrès, madame Marie-France Bélanger, directrice générale du Cégep de Sherbrooke, a conclu justement en faisant appel à plus d’audace.

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Le PEEC outille les intervenants entrepreneuriaux des collèges afin d’intervenir dans tous les aspects de l’entrepreneuriat éducatif en enseignement supérieur. Ainsi, il favorise la persévérance et la réussite scolaire, de même que l’implication des apprentis entrepreneurs dans leur communauté. En complémentarité avec les autres organismes
œuvrant en entrepreneuriat, il stimule l’entrepreneuriat étudiant à travers ses trois
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  1. La sensibilisation
  2. L’engagement
  3. La réalisation.

Le PEEC encourage l’apprentissage dans l’action et l’entrepreneuriat responsable et social.

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